Assez
courts, qui résumaient bien la situation du moment : « je suis débordé.
Peut-être à plus tard ».
Elle
est partie un mardi soir.
Vers
22h30.
Son
dernier mail était assez flou et n’indiquait pas vraiment si elle attendait ou
non que je lui fasse la surprise de la rejoindre une fois à l’aéroport. Elle me
confiera plus tard qu’elle n’attendait que ça, qu’elle a scruté partout tout le
temps, pour voir si elle me reconnaîtrait quelque part.
Et
moi, l’aurais-je reconnu ?
A
laquelle de ses 4 photos ressemblerait-elle le plus ?
Je
n’avais de toute façon pas l’intention d’y aller. A quoi bon… Se rencontrer la
veille d’un long voyage… Quel intérêt… Et puis, elle reviendrait vite.
Elle
m’a appelé le lendemain.
Sur
son heure de déjeuner. Une longue heure à roucouler au téléphone.
C’était
une joie pour moi de l’entendre, et elle me permettait de plus facilement
passer le temps.
Dans
mon boulot, ce n’était pas la joie, étant mis au placard, et vivant intensément
mes dernières heures dans cette société, à grand renforts de surf sur la toile
et de longs mails dans lesquels je décrivais mon désarroi. Elle était mon rayon
de soleil à chaque fois que j’entendais sa voix à consonance latine au
téléphone.
Et
visiblement c’était réciproque.
« Quel
sort m’as-tu jeté pour que je sois dans cet état rien qu’en entendant ta
voix… »
Quel
sort m’avait-elle jeté pour que je sois si heureux de l’entendre ?
Ces
questions ont perdurés, durant la totalité de notre relation.
On
ne savait pas, ce qui faisait que quelque chose était là, si fort, au
quotidien.
Et
puis j’ai découvert une nouvelle facette, peut-être un peu plus coquine chez
elle, en recevant cet email : « Suite à notre heure de discussion passé au
téléphone… ma petite culotte est toute humide… Je file en réunion.
T’embrasse ».
Dur,
dur de rester zen et concentré avec des clichés dans ce genre…
Elle
m’appelait, régulièrement.
Elle
me décrivait son pays.
Son
boulot.
Son
étrange mal de gorge qui ne s’arrangeait pas de jour en jour.
Son
match de Polo, durant lequel, entre 2 parties, les gens du public devaient
venir piétiner le terrain. En long talon aiguilles, elle adorait…
Souvent,
elle me rappelait qu’elle était là-bas uniquement pour le boulot, et que même
si elle était contente de revenir aux sources, elle était surtout là pour travailler,
que c’était une chance pour elle, de revenir au pays que lui avait accordé son
ex.
Ex,
qui avait fini par la rejoindre, quelques jours plus tard.
C’est
à cette occasion (et surtout lié au fait que je lui demandais sans cesse de
nouvelles photos) qu’elle m’a envoyé une nouvelle photo d’elle, en maillot de
bain.
Photo
assez différente des autres.
Elle
ne ressemblait d’ailleurs à aucune de ses 4 premières photos de Meetic.
Sur
cette photo-ci, elle était juste magnifique.
Une
longue chevelure brune, un visage marqué par son origine, de longues mains, une
poitrine généreuse, et une taille un peu plus large qu’un mannequin, mais qui
lui donnait beaucoup de charme.
« C’est
étrange qu’elle t’envoie une photo d’elle en maillot de bain… non ? »
m’ont soufflé beaucoup d’amies, peut-être jalouses de sa plastique assez
époustouflante.
Peut-être.
Mais ce n’est pas cela qui m’étonnait le plus, c’était surtout l’incroyable
décalage avec les autres photos…
Les
jours passaient. Elle était maintenant avec son ex, qui était venu pour se
reposer quelques jours sous le soleil, mais aussi pour voir les grands parents
de Veronica, avec lesquels il entretenait d’excellents rapports, tant marketing
que relationnels.
Elle
me racontait ses journées à la plage. Et insistait sur le fait qu’il ne se
passait rien avec son ex.
Elle
mentait. Pour me protéger…
Avec
le recul, je crois que malgré cette rupture, et le fait qu’elle essayait de
passer à autre chose, dans sa tête elle était restée son jouet. Et en
insistant, il arrivait à obtenir tout ce qu’il voulait d’elle.
« Veronica
a besoin de prendre du recul sur notre couple » avait-il annoncé à son grand-père,
pour expliquer leur cassure. Elle avait failli s’étouffer avec son verre de vin
lorsqu’elle avait appris la raison « officielle » de cette rupture.
Une
rupture qui était présentée comme peu sérieuse, comme temporelle. Comme une
crise d’ado.
Une
rupture qui l’infantilisait encore plus…
Mais
elle continuait malgré tout à m’envoyer des photos d’elle.
3
photos, sûrement prises durant la journée Polo, sur lesquelles elle posait
sagement devant son ordinateur. Toute de bleue vêtue.
Puis
2 autres photos d’elle, plus jeune, qu’elle avait promis qu’elle m’enverrait
dès lors qu’elle retournerait dans la maison de son enfance.
Ses
mails transpiraient l’émotion lorsqu’elle me parlait de la maison de son
enfance, maison qui avait quasiment été abandonnée à la mort de ses parents.
Elle s’isolait de longues heures là-bas, en redécouvrant son passé, son
terrible passé. Sa voix tremblait lorsqu’elle me racontait au téléphone avoir
découvert des lettres d’amour que ses parents s’étaient envoyé, témoignage
intemporel d’un amour éternel.
A
Paris, il neigeait.
Ma
mission se terminait, et j’étais sur le point de faire face à de longues
journées d’inter contrat, désagréable période durant laquelle il faut faire
acte de présence au boulot, où tous les déjeuners sont en tête à tête avec mon
patron, électron libre dans un monde dans lequel il était à 100 000 lieues.
Chaque
journée était une journée potentielle durant laquelle j’aurais pu passer un
entretien. Dans le froid, dans la neige parisienne qui se renouvelait tous les
jours.
Alors
chaque long coup de fil qu’elle me donnait, (toujours en restant en numéro
masqué) était une bouffée d’oxygène.
Elle
était toujours là, allant jusqu’à me passer un rapide coup de fil avant un
match important dans mon championnat, juste quelques mots « je suis de
tout cœur avec toi… sois fort… je pense à toi ».
Omniprésente.
Noël
est arrivé très vite. J’aurais pu envisager de prendre quelques jours, mais
pour aller où ? Pour faire quoi ? Avec un solde de congés proche de zéro… De
plus cela ne collait pas avec la politique de mon boss qui espérait toujours
que je puisse décrocher une mission entre le 21 décembre et le 3 janvier.
J’essayais
durant chacun de mes coups de fil de glisser la fameuse question « et
sinon, quand penses-tu revenir ? Est-ce qu’on passera le premier de l’an
ensemble ? »
Sa
réponse était à chaque fois très évasive.
Elle
m’appelait tous les jours aux alentours de 11h, l’heure à laquelle elle se
réveillait chez elle (6h donc…)
Le
jour du réveillon est arrivé. Je suis retourné dans ma famille pour fêter mon
dernier Noël avec mon père, qui serait placé dans un centre spécialisé pour
Alzheimer quelques jours plus tard. Ce Noël avait quelque chose de… morose. D’ultime.
« Je
t’ai préparé un petit cadeau » m’avait-elle soufflé au téléphone.
« Va voir tes mails… »
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