- Comment fais-tu pour être si gentil… me disait-elle
sans cesse.
« Tu
es trop bon avec un c », me disait-on également … Je crois que je croyais
plus en cette seconde définition du moment.
Cependant,
son retour en France commençait à se planifier. Quelque part aux alentours du 12
janvier, peu de temps après la fête de l’anniversaire de sa grand-mère.
Cependant,
elle était assez bizarre, et même si elle ne le disait pas ouvertement, elle
mangeait de moins en moins.
Un
problème de mal de gorge qui l’empêchait d’avaler la moindre gorgée. Mais elle
ne semblait pas y prêter la moindre importance.
Une
fatigue croissante également, qu’elle mettait sur le compte du contrecoup de sa
cassure, en quelque sorte, une fatigue normale, nécessitant une récupération
réparatrice pour être de nouveau en bonne forme.
Elle
devait atterrir un mercredi. J’avais de mon côté quasiment réserver mon
week-end pour le passer à ses côtés.
Et
puis j’ai reçu ce SMS.
Le
premier SMS depuis 2 mois, l’obligeant ainsi à me laisser pour la première fois
un numéro de téléphone au bout duquel je pourrais la joindre…
Elle
ne serait plus la seule à pouvoir me joindre, à mon tour j’aurais la
possibilité de l’appeler, quand j’en aurais envie… (En d’autres termes, en
dehors des heures de boulot…)
« J’ai
eu un petit malaise, je suis aux urgences. Tout va bien ne t’en fais pas.
V »
Le
mot « malaise », « urgences » et « tout va bien »
dans une même phrase ne collent pas vraiment.
J’ai
mis du temps à accepter la vérité, sa version des faits, son
« cadeau » de Noël n’aidant pas…
Une
mononucléose.
« La
maladie du baiser » que la plupart des personnes attrapent en étant ado.
A
un stade néanmoins relativement avancé. Le foie était atteint.
Un
ami docteur m’a confirmé que c’était plus délicat à gérer, une fois adulte…
Cela
expliquant cependant le mal de gorge aggravé d’une part… mais aussi la fatigue
récurrente.
Cela
pouvait également expliquer une raison supplémentaire pour ne pas revenir en
France. Une première fuite. Pour ne pas se montrer.
Peut-être
aussi pour cacher quelque chose ? Mais pour cacher quoi ?
Une
histoire improbable, sortie de l’imagination d’une nana en mal d’amour,
désirant s’inventer une vie ?
Un
physique inventé ?
…
Quels
mystères cachait-elle ?
Et
puis j’ai fini par me résigner. A grand coup de questions en mode inquisiteur…
Ses
symptômes semblaient bien correspondre m’a confirmé un ami médecin.
« Effectivement
ça correspond bien » m’a confirmé ma sœur.
« En
tout cas Wikipedia confirme les symptômes qu’elle te donne.»
Ma
sœur n’a jamais cru en l’histoire de Veronica. Elle voulait pourtant y croire,
mais elle soupçonnait Veronica d’avoir de multiples mensonges sous le coude,
qu’elle était prête à dégainer à tout moment. Même si je sais que sincèrement,
elle voulait que Veronica existe bel et bien…
Veronica
m’appelait quand elle le pouvait. M’expliquant qu’elle faisait tous les jours
des prises de sang, et qu’elle avait un traitement pour que ça aille mieux. Elle
avait également droit à de l’injection de vitamines en intraveineuses…
« Oui…
Depuis la mort de mes parents j’ai un rapport assez étrange avec la nourriture…
Quand ça ne va pas je me fais vomir… et là, ces derniers temps, ça n’allait pas
fort… »
Une
casserole de plus à trainer.
Elle
commençait à faire pas mal de bruit en marchant…
Chaque
jour elle pensait que ça allait mieux, et chaque jour les médecins lui affirmaient
le contraire. Comme quoi le traitement ne marchait pas.
Elle
a néanmoins fini par sortir 2 semaines plus tard.
La
mononucléose, qui contrairement aux idées reçues ne s’attrape pas uniquement
durant l’adolescence mais peut aussi se contracter via des aérosols, a ce gros
inconvénient d’épuiser physiquement une personne. Surtout adulte.
« Il
faut que je me repose » me répétait-elle sans cesse.
Nouvel
argument pour ne pas revenir, nouvelle « fuite en avant ».
Repose-toi.
Soit.
Mais
pas trop longtemps quand même…
Alors
que là-bas, l’été battait son plein, en France l’hiver se retirait petit à
petit. Je finis par retrouver une mission à la mi-janvier.
Un
début de mission est toujours un moment particulièrement stressant. Convaincre
des interlocuteurs une heure durant que vous êtes le candidat idéal, reste la
partie la plus facile et la plus agréable. Un peu comme de mesurer la partie
« émergeante » d’un iceberg en quelque sorte.
Ensuite,
il y a la phase de tests. La première ligne droite, avec le tournant qui arrive
très rapidement en bout de ligne droite.
C’est
le moment durant lequel, il faut commencer à aller sous l’eau, pour mesurer
l’iceberg dans sa totalité.
J’ai
pourtant donné le meilleur de moi-même.
Mais
mes journées étaient parsemées de longues heures au téléphone avec Veronica
Tantôt à roucouler, tantôt à l’inquisition.
Tantôt
à s’engueuler. Tantôt à l’entendre pleurer.
Tantôt
à lui susurrer des mots doux, tantôt des scénarios sexuels, plus qu’érotiques
qui (me confiait-elle honteuse) la mettait dans tous ses états.
Le
plus compliqué pour moi étant de trouver un endroit discret dans lequel je
pouvais m’adonner à elle.
Mon
travail était devenu secondaire.
Parfois,
lorsque je l’appelais, elle ne me répondait pas.
Parfois,
cela était volontaire. D’autres fois ça ne l’était pas.
Je
crois qu’elle ne savait pas vraiment si j’étais trop collant ou non.
Elle
n’aimait pas taper des SMS, et du coup répondait rarement aux miens.
Par
contre, elle aimait que je lui écrive des longs mails dans lesquels je lui
déclarais ma flamme. Ou dans lesquels je lui racontais ma journée.
Lorsque
je lui expliquais que je ne pouvais rester plus longtemps au téléphone, ou que
j’allais déjeuner avec mes collègues (afin d’intégrer la nouvelle équipe), elle
comprenait, non sans bien me souffler à l’oreille l’idée comme quoi que je
devais gérer mes priorités…
Elle
(au téléphone), la « future femme de sa vie », comme elle se
définissait, ou mon énorme estomac à rassasier à toute heure.
Un
vrai échange mono-latéral réciproque.
Infatigable,
impassiblement, chaque jour, lorsque je lui posais mon éternelle question
« tu reviens quand ? »
Chaque
jour, elle m’envoyait paître.
Toujours
en mode défensive.
Avec
toujours cette même réponse : « Je dois me reposer tu comprends
? »
Oui,
ça je le comprenais.
Je
ne le comprenais que trop.
Par
contre, je comprenais assez mal toutes les sorties nocturnes qu’elle faisait
avec ses amis. Sortie rimant avec guitare au coin du feu, alcool, shit… et
rythme de vie bien évidemment totalement décalé.
Elle
fuyait.
Indéniablement,
elle fuyait son retour en France.
Elle
me fuyait moi.
Elle
fuyait d’affronter la réalité.
La
nouvelle vie sans son ex qu’elle devrait s’inventer…
Le
passé qu’elle devrait essayer d’oublier.
Sa
belle-famille qu’elle devrait cesser de voir, incluant ses enfants, qu’elle
avait élevé 10 ans durant.
Son
ex, qui était tout pour elle depuis 10 ans.
Son
indépendance totale à sa boite, à son ex.
Repartir
à zéro, sans repère à 30 ans, cela peut rapidement s’avérer compliqué.
Surtout
lorsque l’on avance en marche arrière.
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