vendredi 29 mars 2013

01/12/2010

Le rendez-vous avait été annoncé sur Gtalk, le système de discussion instantanée proposé par Google.

Il fallait que ça soit annoncé en direct.

"Je pars la semaine prochaine sur un événement que l'on va gérer l'an prochain. Et ça se passe... En Argentine..."

 

J'ai accueilli la nouvelle avec le sourire.

Étant content pour elle qu'elle puisse revenir au pays pour se ressourcer.

Une finale de Polo, le 11 décembre.

 

Google, non sans lutter un peu pour avoir l'information, a confirmé cette date. Enfin une chose de vraie et de vérifiable dans toute cette histoire.

 

"J'irais voir ma famille. Marco viendra sûrement m'accompagner. Il apprécie beaucoup mon grand-père."

 

Sa famille était au courant de la rupture. Mais pas de la raison. Raison volontairement mise sous silence par Marco, qui contactait au quotidien le grand père de Veronica pour une histoire d'importation de Vin Argentin.

 

"Donc, soit on se rencontre avant ton départ (soit d'ici 8 jours) soit on se rencontre après..." lui dis-je.

"Avant mon départ, cela me semble un peu précipité, non ? ", petite phrase ponctuée d'un smiley.

 

Elle voulait que je sois amoureux de son âme avant d'être amoureux de son physique.

Incapable de comprendre son attirance pour moi, il aurait fallu que je ponctue tous mes mails de "je t'aime".

 

Je t'aime.

 

4 ans durant, je ne l'avais jamais dit à la femme avec laquelle je partageais mon toit, et ma couche, et il aurait fallu que je le dise à une femme que je n'aurais jamais vue de toute ma vie...

 

Drôle de concept.

 

La peur d'être seule sûrement... La peur de ne pas être aimée...

- Tu sais Veronica, chaque jour je suis un peu plus impatient de te rencontrer

- Alors préviens-moi quand tu seras amoureux et transi.

- Et toi, es-tu amoureuse et transie ?

- Pas encore, il y a encore beaucoup de points à aborder... Si Marco ne m'accompagnait pas, viendrais tu à Buenos Aires, alors que tu ne m'as pas vu IRL ? Viendrais tu, de l'autre côté de l'atlantique ? Ou n'es-tu pas assez à point ?

 

Non.

Bien sûr que non.

Si la raison officieuse était bien entendu le fait que je ne prendrais pas ce risque, avec une inconnue, la raison officielle était plus classe : une bête histoire de jours de congés que je n'avais pas.

Mais ma réponse ne lui a pas convenue. La semaine de vacances n'était en fait qu'un week-end.

 

Peu importe, pour elle, le « test » avait échoué.

Chaque test échoué, repoussait d'un jour ou deux le jour de notre première rencontre. Je l'ai deviné, et elle m'a confirmé cette règle tacite, en ajoutant une autre règle du jeu, simple, et si légère : "Il n'y a pas de demie mesure avec moi. Tu me suis ou tu me fuis."

 

La question qui m'est alors venue en tête, a été la suivante :

- Donc, tu veux bien que je te suive sans demie mesure, de l'autre côté de l'océan sans t'avoir vu, par contre tu refuses de venir prendre un café avec moi, un soir à Paris ?

- Oui. Je suis bizarre.

 

Bizarre.

Folle.

Psychopathe.

Louche.

Barge.

Paradoxale.

Complètement tarée.

 

Puis elle a admis que Buenos Aires était trop précipité. Mais pourquoi pas la saint Valentin à New York pour le mois de Février ?  Quel beau projet effectivement. Central Park sous la neige, en tête à tête... Main dans la main...

 

Et puis le tchat a dérivé façon lubrique. C'était la première fois que ça se passait...

Elle a parlé de bas, du fait que "j'avais l'autorisation de me faire plaisir en pensant à elle", puis on a parlé de sous-vêtements, de ceux qu'on pourrait aller en acheter ensemble.

 

Elle a décrit la première fois, la première rencontre, telle qu'elle l'imaginait : "Je voudrais que notre première fois, se fasse ailleurs. Histoire d'être hors de tout contexte pour démarrer, ou pas, une histoire. Mais bon, nous avons un peu de temps, non ? "

 

Non.

 

Nous n'avons pas un peu de temps.

 

La vie est trop courte pour louper les petits plaisirs de la vie, pour passer à côté de peut-être une belle histoire d'amour. Pour recommencer un nouvel avenir l'année d'après, peut être en France, peut être loin de la France.

 

Et ce voyage en Argentine...

Je ne sais pas pourquoi, j'avais en tête le fait que ça serait forcément plus long que prévu. Mi-décembre... Noël approchant... Veronica n'ayant pas de famille en France...

 

Lors d'une soirée, j'ai eu droit à quelques confidences de sa part. Confidences suite à mes questions inquisitrices.

Je crois que j'essayais de savoir si c'était vraiment une femme en face de moi. D'où provenait sa famille "compliquée", pourquoi elle était si mystérieuse.

Je lui ai demandé la taille de ses bas. Je lui ai demandé pour sa famille, et pourquoi il n'y avait rien sur elle sur Google. Elle a répondu en plusieurs fois, excédée par mon insistance...

 

Son père faisait de la politique en Argentine, et à une certaine époque, les « opposants à la dictature» (dont il faisait partie) disparaissaient dans d’étranges circonstances...

Alors, elle a cherché à se protéger, à ne pas trop faire parler d'elle, pour que, le « nettoyage » ne remonte pas jusqu'à elle.

Encore une bonne couche d'extraordinaire et d'improbable à son histoire.

Tout en restant plausible... Comme tout le reste...

 

Puis elle s'est déconnectée sauvagement. Agacée. En colère.

 

Elle m'a répondu le lendemain, par mail. Calmée par la déception qu'elle avait qu'après ces semaines de tchat et d'échanges par email, je sois toujours aussi perplexe par rapport à son existence. Par rapport à la véracité de son identité, de son genre, de sa situation.

De sa vie.

 

Je l'ai sentie agacée. Meurtrie par mes questions, tout en étant déstabilisé par ses réponses.

Elle donnait une fois de plus l'impression d'être perdue. Perdue dans une réalité qui lui échappait.

 

De mon côté, toutes les réalités, elles, étaient bien là.

Ma mission professionnelle arrivant à sa fin (ce qui impliquait un départ à zéro à ce niveau également...).

La collocation, devenait chaque jour plus délicate.

L'appartement, lui, ne se vendait pas.

Et les visites, tous les week-ends qu'il fallait organiser.

Seul.

 

Mettre l'appartement en ordre, répéter toujours les mêmes phrases, répondre régulièrement aux mêmes questions, faire face à la même réaction positive ou à une moue boudeuse.

Attendre des visites qui ne viennent pas... et accueillir celles qui viennent.

 

Et puis... Alors qu'une visite devait arriver, le téléphone a sonné.

Un numéro Inconnu.

« Allo ? C'est Veronica ».

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